Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/354

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laissé volontiers l’esprit humain tranquille, si l’esprit humain avait voulu en faire autant à son égard. Mais c’est précisément quand les gouvernements sont moins considérés, moins forts, quand ils font moins de mal, c’est alors qu’ils sont attaqués, parce que c’est alors qu’on le peut ; auparavant on ne le pouvait pas.

Il est donc évident, par le seul examen de l’état de l’esprit humain à cette époque et de celui de son gouvernement, il est évident que le caractère de la Réforme a dû être, je le répète, un élan nouveau de liberté, une grande insurrection de l’intelligence humaine. C’est là, n’en doutez pas, la cause dominante, la cause qui plane au-dessus de toutes les autres ; cause supérieure à tous les intérêts, soit des nations, soit des souverains, supérieure également au besoin de réforme proprement dite, au besoin de redressement des griefs dont on se plaignait à cette époque.

Je suppose qu’après les premières années de la Réforme, lorsqu’elle eut déployé toutes ses prétentions, articulé tous les griefs, je suppose que tout d’un coup le pouvoir spirituel en fût tombé d’accord et eût dit : « Eh bien, soit, je réforme tout ; je reviens à un ordre plus légal, plus religieux. Je supprime les vexations, l’arbitraire, les tributs ; même en matière de croyances, je modifie, j’explique, je retourne au sens primitif. Mais les griefs ainsi redressés, je garderai ma position ; je serai comme jadis le gouvernement de l’esprit humain, avec la même puissance, avec les mêmes droits. » Croit-on que la révolution religieuse se fût contentée à ce prix et arrêtée dans son cours ? Je ne le pense point ; je crois