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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/394

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entre des pays de destinée si diverse ; on a affirmé que le peuple anglais avait vécu dans une sorte d’isolement moral analogue à son isolement matériel.

Il y a eu, il est vrai, entre la civilisation anglaise et la civilisation des États continentaux une différence grave et dont il importe de se bien rendre compte. Vous avez déjà pu l’entrevoir dans le cours de nos leçons. Le développement des différents principes, des différents éléments de la société, s’est fait en Angleterre en quelque sorte simultanément et de front, beaucoup plus du moins que sur le continent. Lorsque j’ai tenté de déterminer la physionomie propre de la civilisation européenne comparée aux civilisations anciennes et asiatiques, j’ai fait voir que la première était variée, riche, complexe ; qu’elle n’était jamais tombée sous la domination d’aucun principe exclusif ; que les divers éléments de l’état social s’y étaient combinés, combattus, modifiés, avaient été continuellement obligés de transiger et de vivre en commun. Ce fait, Messieurs, caractère général de la civilisation européenne, a été surtout celui de la civilisation anglaise : c’est en Angleterre qu’il s’est produit avec le plus de suite et d’évidence ; c’est là que l’ordre civil et l’ordre religieux, l’aristocratie, la démocratie, la royauté, les institutions locales et centrales, le développement moral et politique ont marché et grandi ensemble, pêle-mêle pour ainsi dire, sinon avec une égale rapidité, du moins toujours à peu de distance les uns des autres. Sous le règne des Tudor, par exemple, au milieu des plus éclatants progrès de la monarchie pure, on voit le principe démocratique, le pouvoir populaire percer