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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/396

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l’aristocratie féodale qui domine ; mais la royauté et la démocratie ne laissent pas d’être fortes et importantes. La royauté triomphe en Angleterre sous Elisabeth, comme en France sous Louis XIV ; mais que de ménagements elle est contrainte de garder ! que de restrictions, tantôt aristocratiques, tantôt démocratiques, elle a à subir ! En Angleterre aussi chaque système, chaque principe a eu son temps de force et de succès ; jamais aussi complètement, aussi exclusivement que sur le continent : le vainqueur a toujours été contraint de tolérer la présence de ses rivaux et de leur faire à chacun sa part.

À cette différence dans la marche des deux civilisations sont attachés des avantages et des inconvénients qui se manifestent en effet dans l’histoire des deux pays. Nul doute, par exemple, que ce développement simultané des divers éléments sociaux n’ait beaucoup contribué à faire arriver l’Angleterre, plus vite qu’aucun des États du continent, au but de toute société, c’est-à-dire à l’établissement d’un gouvernement à la fois régulier et libre. C’est précisément la nature d’un gouvernement de ménager tous les intérêts, toutes les forces, de les concilier, de les faire vivre et prospérer en commun : or, telle était d’avance, par le concours d’une multitude de causes, la disposition, la relation des divers éléments de la société anglaise : un gouvernement général et un peu régulier a donc eu là moins de peine à se constituer. De même l’essence de la liberté, c’est la manifestation et l’action simultanées de tous les intérêts, de tous les droits, de toutes les forces, de tous les éléments sociaux. L’Angleterre en était donc plus près que la