Aller au contenu

Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/416

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je ne puis prétendre, dans le court espace de temps qui me reste, à suivre devant vous toutes les phases de la grande révolution morale qui s’est alors accomplie. Je ne voudrais pas cependant vous quitter sans avoir appelé votre attention sur quelques traits peut-être trop peu remarqués.

Le premier, celui qui me frappe d’abord et que je viens déjà d’indiquer, c’est la disparition pour ainsi dire à peu près complète du gouvernement dans le cours du dix-huitième siècle, et l’apparition de l’esprit humain comme principal et presque seul acteur. Excepté en ce qui touche les relations extérieures, sous le ministère du duc de Choiseul, et dans quelques grandes concessions faites à la direction générale des esprits, par exemple dans la guerre d’Amérique ; excepté, dis-je, dans quelques événements de ce genre, il n’y a jamais eu peut-être un gouvernement aussi inactif, aussi apathique, aussi inerte que le gouvernement français de ce temps. À la place de ce gouvernement si actif, si ambitieux, de Louis XIV, qui était partout, se mettait à la tête de tout, vous avez un pouvoir qui ne travaille qu’à s’effacer, à se tenir à l’écart, tant il se sent faible et compromis. L’activité, l’ambition a passé du côté du pays. C’est le pays qui, par son opinion, par son mouvement intellectuel, se mêle de tout, intervient dans tout, possède seul enfin l’autorité morale, qui est la véritable autorité.

Un second caractère qui me frappe dans l’état de l’esprit humain au dix-huitième siècle, c’est l’universalité du libre examen. Jusque là, et particulièrement au seizième siècle, le libre examen s’était