Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/415

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qui s’est trouvé faible à la fin de son règne, c’est le pouvoir absolu tout entier. La monarchie pure était aussi usée en 1712 que le monarque lui-même. Et le mal était d’autant plus grave que Louis XIV avait aboli les mœurs aussi bien que les institutions politiques. Il n’y a pas de mœurs politiques sans indépendance. Celui-là seul qui se sent fort par lui-même est toujours capable soit de servir le pouvoir, soit de le combattre. Les caractères énergiques disparaissent avec les situations indépendantes, et la fierté des âmes naît de la sécurité des droits.

Voici donc, à vrai dire, l’état dans lequel Louis XIV a laissé la France et le pouvoir : une société en grand développement de richesse, de force, d’activité intellectuelle en tout genre ; et à côté de cette société en progrès, un gouvernement essentiellement stationnaire, n’ayant aucun moyen de se renouveler, de s’adapter au mouvement de son peuple ; voué, après un demi-siècle de grand éclat, à l’immobilité et à la faiblesse, et déjà tombé, du vivant de son fondateur, dans une décadence qui ressemblait presque à la dissolution. C’est là la situation où s’est trouvée la France au sortir du dix-septième siècle, et qui a imprimé à l’époque suivante une direction et un caractère si différents.

Que l’élan de l’esprit humain, que le libre examen soit le trait dominant, le fait essentiel du dix huitième siècle, ce n’est pas la peine de le dire. Déjà, Messieurs, vous en avez beaucoup entendu parler dans cette chaire ; déjà, par la voix d’un orateur philosophe et par celle d’un philosophe éloquent, vous avez entendu caractériser cette époque puissante.