Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/418

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

étrangers à toute espèce d’activité pratique, purs spéculateurs qui observent, jugent et parlent sans jamais intervenir dans les événements. À aucune époque le gouvernement des faits, des réalités extérieures, n’a été aussi complètement distinct du gouvernement des esprits. La séparation de l’ordre spirituel et de l’ordre temporel n’a été réelle en Europe qu’au dix-huitième siècle. Pour la première fois peut-être l’ordre spirituel s’est développé tout-à-fait à part de l’ordre temporel. Fait très grave et qui a exercé une prodigieuse influence sur le cours des événements. Il a donné aux idées du temps un singulier caractère d’ambition et d’inexpérience ; jamais la philosophie n’a plus aspiré à régir le monde et ne lui a été plus étrangère. Il a bien fallut un jour en venir au fait ; il a bien fallu que le mouvement intellectuel passât dans les événements extérieurs ; et comme ils avaient été totalement séparés, la rencontre a été plus difficile, et le choc beaucoup plus violent.

Comment s’étonner maintenant d’un autre caractère de l’état de l’esprit humain à cette époque, je veux dire sa prodigieuse hardiesse ? Jusque-là, sa plus grande activité avait toujours été contenue par certaines barrières ; l’homme avait vécu au milieu de faits dont quelques-uns lui inspiraient de la considération, réprimaient jusqu’à un certain point son mouvement. Au dix-huitième siècle, je serais en vérité embarrassé de dire quels étaient les faits extérieurs que respectait l’esprit humain, qui exerçaient sur lui quelque empire ; il avait l’état social tout entier en haine ou en mépris. Il en conclut qu’il était appelé à réformer toutes choses ; il en vint à se considérer