Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/419

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lui-même comme une espèce de créateur : institutions, opinions, mœurs, la société et l’homme lui-même, tout parut à refaire, et la raison humaine se chargea de l’entreprise. Jamais pareille audace lui était-elle venue en pensée ?

Voilà, Messieurs, la puissance qui, dans le cours du dix-huitième siècle, s’est trouvée en face de ce qui restait du gouvernement de Louis XIV. Vous comprenez qu’il était impossible que le choc n’eût pas lieu entre ces deux forces si inégales. Le fait dominant de la révolution d’Angleterre, la lutte du libre examen et de la monarchie pure devait donc aussi éclater en France. Sans doute les différences étaient grandes, et devaient se perpétuer dans les résultats ; mais au fond la situation générale était pareille, et l’événement définitif a le même sens.

Je n’ai garde, Messieurs, de prétendre en exposer ici les infinies conséquences. Je touche au terme de ces réunions ; il faut que je m’arrête.

Je veux seulement, avant de vous quitter, appeler votre attention sur le fait le plus grave et, à mon avis, le plus instructif qui se révèle à nous dans ce grand spectacle. C’est le péril, le mal, le vice insurmontable du pouvoir absolu, quel qu’il soit, quelque nom qu’il porte et dans quelque but qu’il s’exerce. Vous avez vu le gouvernement de Louis XIV périr presque, par cette seule cause. Eh bien, Messieurs, la puissance qui lui a succédé, l’esprit humain, véritable souverain du dix huitième siècle, l’esprit humain a subi le même sort ; à son tour il a possédé un pouvoir à peu près absolu ; à son tour il a pris en lui-même une confiance excessive. Son élan était