Aller au contenu

Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réunir. Cela est si vrai que des faits qui, par leur nature, sont détestés, funestes, qui pèsent douloureusement sur les peuples, le despotisme, par exemple, et l’anarchie, s’ils ont contribué en quelque chose à la civilisation, s’ils lui ont fait faire un grand pas, eh bien ! jusqu’à un certain point, on les excuse, on leur pardonne leurs torts, leur mauvaise nature ; en sorte que partout où on reconnaît la civilisation et les faits qui l’ont enrichie, on est tenté d’oublier le prix qu’il en a coûté.

Il y a même des faits qu’à proprement parler on ne peut pas dire sociaux, des faits individuels qui semblent intéresser l’âme humaine plutôt que la vie publique : telles sont les croyances religieuses et les idées philosophiques, les sciences, les lettres, les arts. Ces faits paraissent s’adresser à l’homme, soit pour le perfectionner, soit pour le charmer, et avoir plutôt pour but son amélioration intérieure, ou son plaisir, que sa condition sociale. Eh bien ! c’est encore sous le point de vue de la civilisation que ces faits-là mêmes sont souvent et veulent être considérés. De tout temps, dans tous pays, la religion s’est glorifiée d’avoir civilisé les peuples ; les sciences, les lettres, les arts, tous les plaisirs intellectuels et moraux ont réclamé leur part dans cette gloire ; et on a cru les louer, les honorer, quand on a reconnu qu’en effet elle leur appartenait. Ainsi, les faits les plus importants, les plus sublimes en eux-mêmes et indépendamment de tout résultat extérieur, uniquement dans leurs rapports avec l’âme de l’homme, leur importance s’accroît, leur sublimité s’élève par leur rapport avec la civilisation. Telle est la valeur de ce fait