Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/45

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général qu’il en donne à tout ce qu’il touche. Et non-seulement il en donne ; il y a même des occasions où les faits dont nous parlons, les croyances religieuses, les idées philosophiques, les lettres, les arts, sont surtout considérés et jugés sous le point de vue de leur influence sur la civilisation ; influence qui devient, jusqu’à un certain point et pendant un certain temps, la mesure décisive de leur mérite, de leur valeur.

Quel est donc, Messieurs, je le demande, quel est donc, avant d’en entreprendre l’histoire, et en le considérant uniquement en lui-même, ce fait si grave, si étendu, si précieux, qui semble le résumé, l’expression de la vie entière des peuples ?

Je n’aurai garde ici de tomber dans la pure philosophie ; je n’aurai garde de poser quelque principe rationnel, et puis d’en déduire la nature de la civilisation comme une conséquence : il y aurait beaucoup de chances d’erreurs dans cette méthode. Nous rencontrons encore ici un fait à constater et à décrire.

Depuis longtemps, et dans beaucoup de pays, on se sert du mot de civilisation : on y attache des idées plus ou moins nettes, plus ou moins étendues ; mais enfin on s’en sert et on se comprend. C’est le sens de ce mot, son sens général, humain, populaire, qu’il faut étudier. Il y a presque toujours, dans l’acception usuelle des termes les plus généraux, plus de vérité que dans les définitions plus précises en apparence, et plus rigoureuses de la science. C’est le bon sens qui donne aux mots leur signification commune, et le bon sens est le génie de l’humanité. La signification commune d’un mot se forme successivement et