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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/52

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symptômes : le développement de l’activité sociale et celui de l’activité individuelle, le progrès de la société et le progrès de l’humanité. Partout où la condition extérieure de l’homme s’étend, se vivifie, s’améliore, partout où la nature intime de l’homme se montre avec éclat, avec grandeur, à ces deux signes, et souvent malgré la profonde imperfection de l’état social, le genre humain applaudit et proclame la civilisation.

Tel est, si je ne me trompe, le résultat de l’examen simple, purement sensé, de l’opinion générale des hommes. Si nous interrogeons l’histoire proprement dite, si nous examinons quelle est la nature des grandes crises de la civilisation, de ces faits qui, de l’aveu de tous, lui ont fait faire un grand pas, nous y reconnaîtrons toujours l’un ou l’autre des deux éléments que je viens de décrire. Ce sont toujours des crises de développement individuel ou social, des faits qui ont changé l’homme intérieur, ses croyances, ses mœurs, ou sa condition extérieure, sa situation dans ses rapports avec ses semblables. Le christianisme, par exemple, je ne dis pas seulement au moment de son apparition, mais dans les premiers siècles de son existence, le christianisme ne s’est nullement adressé à l’état social ; il a annoncé hautement qu’il n’y toucherait pas ; il a ordonné à l’esclave d’obéir au maître ; il n’a attaqué aucun des grands maux, des grandes injustices de la société d’alors. Qui niera pourtant que le christianisme n’ait été dès-lors une grande crise de la civilisation ? Pourquoi ? parce qu’il a changé l’homme intérieur, les croyances, les sentiments, parce qu’il a régénéré l’homme moral, l’homme intellectuel.