Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/53

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Nous avons vu une crise d’une autre nature ; une crise qui s’est adressée non à l’homme intérieur, mais à sa condition extérieure, qui a changé et régénéré la société. Celle-là aussi, à coup sûr, a été une des crises décisives de la civilisation. Parcourez toute l’histoire, vous trouverez partout le même résultat ; vous ne rencontrerez aucun fait important, ayant concouru au développement de la civilisation, qui n’ait exercé l’une ou l’autre des deux sortes d’influences dont je viens de parler.

Tel est, si je ne me trompe, le sens naturel et populaire du terme ; voilà le fait, je ne veux pas dire défini, mais décrit, constaté, à peu près complètement, ou au moins dans ses traits généraux. Nous tenons les deux éléments de la civilisation. Maintenant, Messieurs, l’un de ces deux faits suffit-il pour la constituer ? Si le développement de l’état social, ou celui de l’homme individuel se présentait isolément, y aurait-il civilisation ? le genre humain la reconnaîtrait-il ? ou bien les deux faits ont-ils entre eux une relation tellement intime et nécessaire, que, s’ils ne se produisent simultanément, ils soient cependant inséparables, et que tôt ou tard l’un amène l’autre ?

On pourrait, ce me semble, aborder cette question par trois côtés. On pourrait examiner la nature même des deux éléments de la civilisation, et se demander si, par cela seul, ils sont, ou non, étroitement liés et nécessaires l’un à l’autre. On peut rechercher historiquement si, en effet, ils se sont manifestés isolément et l’un sans l’autre, ou s’ils se sont toujours produits l’un l’autre. On peut enfin consulter sur