Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/55

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deux éléments de la civilisation, le développement social et le développement moral, sont intimement liés, qu’à la vue de l’un, le genre humain compte sur l’autre. C’est à cette conviction naturelle qu’on s’adresse lorsque, pour seconder ou combattre l’un ou l’autre des deux développements, on affirme ou conteste leur union. On sait que, si on peut persuader aux hommes que l’amélioration de l’état social tournera contre le progrès intérieur des individus, on aura décrié et affaibli la révolution qui s’accomplit dans la société. D’autre part, quand on promet aux hommes l’amélioration de la société, par suite de l’amélioration de l’individu, on sait que leur penchant est de croire à cette promesse, et on s’en prévaut. C’est donc évidemment la croyance instinctive de l’humanité que les deux éléments de la civilisation sont liés l’un à l’autre, et se produisent réciproquement.

Que si nous nous adressons à l’histoire du monde, nous obtiendrons la même réponse. Nous trouverons que tous les grands développements de l’homme intérieur ont tourné au profit de la société, tous les grands développements de l’état social au profit de l’humanité. C’est l’un ou l’autre des deux faits qui prédomine, apparaît avec éclat, et imprime au mouvement un caractère particulier. Ce n’est quelquefois qu’après de très longs intervalles de temps, après mille transformations, mille obstacles, que le second fait se développe et vient en quelque sorte compléter la civilisation que le premier avait commencée. Mais quand on y regarde bien, on reconnaît le lien qui les unit. La marche de la Providence n’est pas assujétie à