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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/54

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cette question l’opinion commune des hommes, le bon sens. Je m’adresserai d’abord à l’opinion commune.

Quand un grand changement s’accomplit dans l’état d’un pays, quand il s’y opère un grand développement de richesse et de force, une révolution dans la distribution du bien-être social, ce fait nouveau rencontre des adversaires, essuie des combats ; il n’en peut être autrement. Que disent en général les adversaires du changement ? Ils disent que ce progrès de l’état social n’améliore pas, ne régénère pas de la même manière l’état moral, l’état intérieur de l’homme ; que c’est un progrès faux, trompeur, qui tourne au détriment de la moralité, du véritable être humain. Et les amis du développement social repoussent cette attaque avec beaucoup d’énergie ; ils soutiennent, au contraire, que le progrès de la société amène nécessairement le progrès de la moralité ; que quand la vie extérieure est mieux réglée, la vie intérieure se rectifie et s’épure. Ainsi se pose la question entre les adversaires et les partisans de l’état nouveau.

Renversez l’hypothèse ; supposez le développement moral en progrès. Que promettent en général les hommes qui y travaillent ? Qu’ont promis, à l’origine des sociétés, les dominateurs religieux, les sages, les poëtes, qui travaillaient à adoucir, à régler les mœurs ? Ils ont promis l’amélioration de la condition sociale, la répartition plus équitable du bien-être. Que supposent, je vous le demande, tantôt ces débats, tantôt ces promesses ? Ils supposent que, dans la conviction spontanée, instinctive des hommes, les