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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/61

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tes questions auxquelles il peut donner lieu. Je me restreins à présent ; je resserre mon champ dans des limites plus étroites : c’est uniquement l’histoire de l’état social que je me propose de traiter.

Nous commencerons par chercher tous les éléments de la civilisation européenne dans son berceau, à la chute de l’Empire romain ; nous étudierons avec soin la société telle qu’elle était au milieu de ces ruines fameuses. Nous tâcherons, non pas d’en ressusciter, mais d’en remettre debout les éléments à côté les uns des autres ; et quand nous les tiendrons, nous essaierons de les faire marcher, de les suivre dans leurs développements à travers les quinze siècles qui se sont écoulés depuis cette époque.

Je crois, Messieurs, que quand nous serons un peu entrés dans cette étude, nous acquerrons bien vite la conviction que la civilisation est très jeune, qu’il s’en faut bien que le monde en ait encore mesuré la carrière. À coup sûr, la pensée humaine est fort loin d’être aujourd’hui tout ce qu’elle peut devenir, nous sommes fort loin d’embrasser l’avenir tout entier de l’humanité ; cependant, que chacun de nous descende dans sa pensée, qu’il s’interroge sur le bien possible qu’il conçoit, qu’il espère ; qu’il mette ensuite son idée en regard de ce qui existe aujourd’hui dans le monde ; il se convaincra que la société et la civilisation sont bien jeunes ; que, malgré tout le chemin qu’elles ont fait, elles en ont incomparablement davantage à faire. Cela n’ôtera rien, Messieurs, au plaisir que nous éprouverons à contempler, notre état actuel. Quand j’aurai essayé de faire passer sous vos yeux les grandes crises de l’his-