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Page:Guizot - Mélanges politiques et historiques, 1869.djvu/244

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La censure interdit la publication de cette lettre, comme de tout autre récit.

J’entends déjà ce qu’on me reproche. On me blâme de rappeler encore un fait déplorable. On dit que j’excite les passions, que je réveille de tristes souvenirs, qu’il faut laisser les morts à la tombe, et couvrir d’un voile le passé.

Je proteste de toutes mes forces contre ce système d’oubli, lâche et impuissant compagnon du système de silence. Ne dirait-on pas, en vérité, que la nature humaine est si peu faible, si peu légère, qu’elle a besoin d’être exhortée à oublier ? Quoi ! nous cheminons tous, d’un pas tranquille, sur ces places où le sang a si long-temps ruisselé sous nos yeux ; les crimes et les maux dont tant de destinées, tant de cœurs sont encore brisés, sont déjà pour nous de l’histoire, et vous vous plaignez qu’on n’oublie point assez ! Vous demandez aux sentimens, de disparaître encore plus vite, à l’expérience d’effacer plus tôt ses leçons, à l’esprit de l’homme d’être encore moins sérieux, moins ferme, moins capable d’énergie et de constance ! Et pourquoi ? vous nous parlez de haines à étouffer, de dissensions à éteindre, de paix publique à rétablir. Vous vous abusez ; ce n’est point là votre vrai motif. Vous vivez vous-même