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LA FEMME DU MONDE[1].

D’où je conclus, Dieu me pardonne et le Diable m’emporte, que Satan fait la queue au Père éternel.
Auberge des Adrets.
I

Tu ne me connais pas, frêle et chétive créature ; eh bien, écoute.

II

Mon nom est maudit sur la terre ; pourtant le malheur, le désespoir, l’envie qui y dominent en tyrans m’appellent souvent à leur secours.

III

Je me réjouis dans les grandes cités et je dirige mes coups sur les peuples des villes.

IV

Pourtant je vais aussi chez le laboureur, je prends ses brebis dans son étable, je prends la chèvre qui broute sur la colline, le chamois qui bondit sur le rocher aigu ; je prends l’oiseau dans son vol, et le roi sur son trône.

V

Du jour où Adam et sa compagne furent chassés du paradis, moi, la fille de Satan, je me tins depuis ce


  1. Dans la nuit du 1er  au 2 juin 1836. — Fait en moins d’une demi-heure.