MÉMOIRES D’UN FOU[1].
Elles renferment une âme tout entière. Est-ce la mienne ? est-ce celle d’un autre ? J’avais d’abord voulu faire un roman intime, où le scepticisme serait poussé jusqu’aux dernières bornes du désespoir ; mais peu à peu, en écrivant, l’impression personnelle perça à travers la fable, l’âme remua la plume et l’écrasa.
J’aime donc mieux laisser cela dans le mystère des conjectures ; pour toi, tu n’en feras pas.
Seulement tu croiras peut-être, en bien des endroits, que l’expression est forcée et le tableau assombri à plaisir ; rappelle-toi que c’est un fou qui a écrit ces pages, et, si le mot paraît souvent surpasser le sentiment qu’il exprime, c’est que, ailleurs, il a fléchi sous le poids du cœur.
Adieu, pense à moi et pour moi.
I
Pourquoi écrire ces pages ? — À quoi sont-elles bonnes ? Qu’en sçais-je moi-même ? Cela est assez sot, à mon gré, d’aller demander aux hommes le motif de leurs actions et de leurs écrits. — Sçavez-vous vous-même pourquoi vous avez ouvert les misérables feuilles que la main d’un fou va tracer ?
Un fou ! cela fait horreur. Qu’êtes-vous, vous lec-