Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/530

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se dit pas, mais qui se sent. L’homme alors est comme ce voyageur perdu dans les sables, qui cherche partout une route pour le conduire à l’oasis, et qui ne voit que le désert. Le doute, c’est la vie. L’action, la parole, la nature, la mort, doute dans tout cela.

Le doute, c’est la mort pour les âmes ; c’est une lèpre qui prend les races usées, c’est une maladie qui vient de la science et qui conduit à la folie. La folie est le doute de la raison, c’est peut-être la raison elle-même qui le prouve.

XX

Il est des poètes qui ont l’âme toute pleine de parfums et de fleurs, qui regardent la vie comme l’aurore du ciel ; d’autres qui n’ont rien que de sombre, rien que de l’amertume et de la colère ; il y a des peintres qui voient tout en bleu, d’autres tout en jaune ou tout en noir. Chacun de nous a un prisme à travers lequel il aperçoit le monde ; heureux celui qui y distingue des couleurs riantes et des choses gaies. Il y a des hommes qui ne voient dans le monde qu’un titre, que des femmes, que la banque, qu’un nom, qu’une destinée ; folies ! J’en connais qui n’y voient que chemins de fer, marchés ou bestiaux ; les uns y découvrent un plan sublime, les autres une farce obscène.

Et ceux-là vous demanderaient bien ce que c’est que l’obscène ? question embarrassante à résoudre, comme les questions.

J’aimerais autant donner la définition géométrique d’une belle paire de bottes ou d’une belle femme, deux choses importantes. Les gens qui voient notre globe comme un gros ou un petit tas de boue sont de singulières gens ou difficiles à peindre.

Vous venez de parler avec un de ces gens infâmes, gens qui s’intitulent philanthropes et qui ne votent