Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/66

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homme, écoutant mes paroles, épiant mes gestes, tâchant de deviner les sentiments qui battent dans mon cœur, les pensées qui passent sous mon front, toujours là assis à mes côtés, debout derrière moi, caché sous un lambris, espionnant à une porte ; toujours là comme un mauvais génie, s’opposant à mon bonheur, me ravissant ma femme, m’ôtant la liberté, m’emprisonnant dans son palais, et je ne pourrai pas dans ma furieuse et jalouse haine, je ne pourrai pas pleurer et maudire, me venger ! Non ! c’est mon père ! et c’est le roi ! il faut supporter ses coups, recevoir tous ces affronts, accepter tous ces outrages.

Ici, il s’arrêta, des larmes grossissaient sa voix, et il serra si fort la lame de son poignard qu’il la brisa comme du verre.

— Puis-je te briser ainsi, homme sans cœur et sans pitié, ajouta-t-il, je l’aimais tant cette femme !

Ses joues étaient rouges et brûlantes, des larmes grosses et pénibles roulaient puis venaient mourir sur ses lèvres.

— Je la verrai encore, dût-il m’égorger entre ses bras, dit-il en ôtant les verrous de la porte, et il sortit précipitamment.

Le manuscrit porte l’indication du chapitre I et nous n’avons pas trace de chapitres suivants.