cheval s’abattit au bout du monde, devant l’infini Océan que l’homme ne peut franchir, au bord duquel il reste toujours, regardant s’il ne verra pas apparaître quelque cavale pour partir, quelque étoile pour l’éclairer ; il est là, s’amusant à ramasser des débris de coquilles et parcelles de grains de sable.
Il avait donc tout fini. Que faire ? où aller ? la terre était déserte, vide d’esclaves et d’armées. Il leva les yeux vers le ciel et fut pris d’une ardeur sans bornes :
— Qu’est-ce que le monde ? qu’il est petit ! j’y étouffe, s’écria-t-il, élargis-moi cette terre ! étends ses océans, recule-moi ces bornes-là, élargis-moi l’atmosphère où je vis. Est-ce tout ? est-ce que la vie se bornera là ? j’ai dévoré le monde, je veux autre chose : l’éternité ! l’éternité !
Et il tâcha de faire un grand tas de toute la poussière qu’il avait faite, il fit une pyramide de têtes de morts séchées par les vents, il balaya avec des drapeaux déchirés tout le sang versé, et il le mit dans une fosse et répéta : gloire ! gloire ! Mais tout croula vite, la poussière même s’envola, les ossements l’engloutirent, la terre but le sang, et il sentit une voix qui disait derrière lui :
— L’éternité, la gloire, l’immortalité, c’est moi !
Mais il se leva lentement, comme une ombre qui sort d’un tombeau, avec un long linceul tout pourri, qui enveloppait un squelette avec des lambeaux de chair aussi verts que l’herbe des cimetières. Il avait une tête toute jaunie, avec un vieux sourire froid de courtisane ; son bâton, c’était un sceptre doré qui portait un soc de charrue.
Il se leva plein de colère :
— Qui ose dire qu’il y a de l’immortalité ?
C’est moi qui l’ose.
— Sais-tu qui je suis ? vois donc mes pieds tout