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Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/132

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sur les débris cassés de ma tombe. Naguère, quand je passais, riant, près des cimetières, et qu’on entendait ma voix chanter le long du mur, quand le hibou battait de l’aile sur les clochers, que les cyprès murmuraient les soupirs des morts, je jetais un œil calme sur ces pierres qui recélaient l’éternité tout entière avec les débris de cadavres, c’était pour moi un autre monde, où ma pensée même pouvait à peine m’y transporter dans l’infini d’une vague rêverie.

« Maintenant mes doigts tremblants touchent aux portes de cet autre monde, et elles vont s’ouvrir, car j’en remue le marteau d’un bras de colère, d’un bras désespéré.

« Que la mort vienne, qu’elle vienne ! elle me prendra tout endormi dans son linceul, et j’irai continuer le songe éternel sous l’herbe douce du printemps ou sous la neige des hivers, qu’importe ! et mon dernier sourire sera pour elle, je lui donnerai des baisers pleins de vin, un cœur plein de la vie et qui n’en veut plus, un cœur ivre et qui ne bat pas.

« La souveraine beauté, le souverain bonheur, n’est-ce pas le sommeil ? et je vais dormir, dormir sans réveil, longtemps, toujours. Les morts… ».

À cette belle phrase graduée, il s’interrompit pour boire et continua :

— La vie est un festin, il y en a qui meurent gorgés de suite et qui tombent sous la table, d’autres rougissent la nappe de sang et de souillures sans nombre, ceux qui n’y versent que des taches de vin et pas de larmes, d’autres sont étourdis des lumières, du bruit, dégoûtés du fumet des mets, gênés par la cohue, baissant la tête et se mettant à pleurer. Heureux les sages, qui mangent longuement, écartent les convives avides, les valets impudents qui les tiraillent, et qui peuvent, le dernier jour, au dessert, quand les uns dorment, que les autres sont ivres dès le premier service, qu’un grand nombre sont partis malades, boire