même, elle les emplit, le vin entre dans leur sang et le fait battre à pleine veine ; ils en sont immobiles, ils se regardent avec des yeux ouverts et ne se voient pas. Mathurin veut se retourner et soupire ; les draps, ployés sous lui, lui entrent dans la chair, il a les jambes lourdes et les reins fatigués ; il se meurt, il boit encore, il ne perd pas un instant, pas une minute ; entré dans le cynisme, il y marchera de toute sa force, il s’y plonge et il y meurt dans le dernier spasme de son orgie sublime.
Sa tête est penchée de côté, son corps alangui, il remue les lèvres machinalement et vivement, sans articuler aucune parole ; s’il avait les yeux fermés, on le croirait mort ; il ne distingue rien. On entend le râle de sa poitrine, et il se met à frapper dessus avec les deux poings ; il prend encore un carafon et veut le boire.
Le prêtre entre, il le lui jette à la tête, salit le surplis blanc, renverse le calice, effraie l’enfant de chœur, en prend un autre et se le verse dans la bouche en poussant un hurlement de bête fauve ; il tord son corps comme un serpent, il se remue, il crie, il mord ses draps, ses ongles s’accrochent sur le bois de son lit ; puis tout s’apaise, il s’étend encore, parle bas à l’oreille de ses disciples, et il meurt doucement, heureux, après leur avoir fait connaître ses suprêmes volontés et ses caprices par delà le tombeau.
Ils obéirent. Dès le lendemain soir, ils le prennent à eux, ils le retirent de son lit, le roulent dans ses draps rouges, le prennent à eux deux ; à Jacques la tête, à André les deux pieds, et ils s’en vont.
Ils descendent l’escalier, traversent la cour, la masure plantée de pommiers, et les voilà sur la grande route, portant leur ami à un cimetière désigné.
C’était un dimanche soir, un jour de fête, une belle soirée ; tout le monde était sorti, les femmes en rubans roses et bleus, les hommes en pantalon blanc ; il fallut