bien des vers à cette Amenaïde que vous lui rendez plus belle.
Dites-moi s’il n’a pas fallu quelque chose d’un peu plus que ce que vous appelez du talent pour rendre de la verdeur à ces vieilles et bonnes choses, plus admirées qu’aimées, plus respectées que lues, et pour faire de Corneille et de Racine des génies contemporains et pleins d’actualité ? Manie-t-on ainsi les réputations de cette taille sans être quelquefois soi-même de leur famille ? les nains ou les médiocres tracent-ils dans le cœur des hommes des sillons aussi longs ? et quand, à 19 ans, sans tradition et spontanément, vous occupez ainsi le monde littéraire, que votre nom égale les plus beaux et en surpasse tant d’illustres, c’est qu’à coup sûr cela vaut bien la peine qu’on fasse diversion pour un jour à la politique et aux indigos, et qu’on aille un peu se désaltérer à cette large source de poésie, d’où découle ce quelque chose d’exquis et d’infiniment grand que vous savez ; cela rafraîchit, soutient, et console de la vie, et fait rêver au beau.
Autrefois, les peuples de la Grèce barbare attendaient, l’hiver, sous leurs cabanes de roseaux, que la saison des pluies fût passée, et quand la colombe apparaissait dans les orangers et que le passereau sifflait dans les champs verts, ils voyaient revenir, accourant, le vieux rapsode qui leur chantait les chants d’Homère, et ils lui tendaient les bras, ils allaient à sa rencontre avec des fleurs et des fruits, et quand il les quittait c’était une douleur pour tous les cœurs, on le reconduisait jusqu’à la fontaine, on bénissait sa lyre, son voyage et son retour surtout, que l’on souhaitait si prochain. Et toi ! fille du plus pur rayon de poésie grecque, toi qui nous as fait entendre la large voix des temps antiques, que tes heures soient sacrées, et que ton retour soit prompt ! Songe de là-bas à nous autres, qui songeons à toi, veufs que nous sommes de toutes les joies de la poésie que tu emmènes avec toi,