existences passées. Pourquoi cela ? Ai-je aimé ? ai-je haï ? ai-je cherché quelque chose ? j’en doute encore ; j’ai vécu en dehors de tout mouvement, de toute action, sans me remuer, ni pour la gloire, ni pour le plaisir, ni pour la science, ni pour l’argent.
De tout ce qui va suivre personne n’a rien su, et ceux qui me voyaient chaque jour, pas plus que les autres ; ils étaient, par rapport à moi, comme le lit sur lequel je dors et qui ne sait rien de mes songes. Et d’ailleurs, le cœur de l’homme n’est-il pas une énorme solitude où nul ne pénètre ? les passions qui y viennent sont comme les voyageurs dans le désert du Sahara, elles y meurent étouffées, et leurs cris ne sont point entendus au-delà.
Dès le collège, j’étais triste, je m’y ennuyais, je m’y cuisais de désirs, j’avais d’ardentes aspirations vers une existence insensée et agitée, je rêvais les passions, j’aurais voulu toutes les avoir. Derrière la vingtième année, il y avait pour moi tout un monde de lumières, de parfums ; la vie m’apparaissait de loin avec des splendeurs et des bruits triomphaux ; c’étaient, comme dans les contes de fées, des galeries les unes après les autres, où les diamants ruissellent sous le feu des lustres d’or ; un nom magique fait rouler sur leurs gonds les portes enchantées, et, à mesure qu’on avance, l’œil plonge dans des perspectives magnifiques dont l’éblouissement fait sourire et fermer les yeux.
Vaguement je convoitais quelque chose de splendide que je n’aurais su formuler par aucun mot, ni préciser dans ma pensée sous aucune forme, mais dont j’avais néanmoins le désir positif, incessant. J’ai toujours aimé les choses brillantes. Enfant, je me poussais dans la foule, à la portière des charlatans, pour voir les galons rouges de leurs domestiques et les rubans de la bride de leurs chevaux ; je restais longtemps devant la tente des bateleurs, à regarder leurs pantalons bouffants et leurs collerettes brodées. Oh !