dépensé tant de rêves sublimes, tant de désirs bouillants pour aboutir là ? Or je ne voulais pas renoncer à toutes les belles choses que je m’étais forgées, j’avais créé pour moi, en deçà de ma virginité perdue, d’autres formes plus vagues, mais plus belles, d’autres voluptés moins précises comme le désir que j’en avais, mais célestes et infinies. Aux imaginations que je m’étais faites naguère, et que je m’efforçais d’évoquer, se mêlait le souvenir intense de mes dernières sensations, et le tout se confondant, fantôme et corps, rêve et réalité, la femme que je venais de quitter prit pour moi une proportion synthétique, où tout se résuma dans le passé et d’où tout s’élança pour l’avenir. Seul et pensant à elle, je la retournai encore en tous sens, pour y découvrir quelque chose de plus, quelque chose d’inaperçu, d’inexploré la première fois ; l’envie de la revoir me prit, m’obséda, c’était comme une fatalité qui m’attirait, une pente où je glissais.
Oh ! la belle nuit ! il faisait chaud ! j’arrivai à sa porte tout en sueur, il y avait de la lumière à sa fenêtre ; elle veillait sans doute ; je m’arrêtai, j’eus peur, je restai longtemps ne sachant que faire, plein de mille angoisses confuses. Encore une fois j’entrai, ma main, une seconde fois, glissa sur la rampe de son escalier et tourna sa clef.
Elle était seule, comme le matin ; elle se tenait à la même place, presque dans la même posture, mais elle avait changé de robe ; celle-ci était noire, la garniture de dentelle, qui en bordait le haut, frissonnait d’elle-même sur sa gorge blanche, sa chair brillait, sa figure avait cette pâleur lascive que donnent les flambeaux ; la bouche mi-ouverte, les cheveux tout débouclés et pendants sur ses épaules, les yeux levés au ciel, elle avait l’air de chercher du regard quelque étoile disparue.
Bien vite, d’un bond joyeux, elle sauta jusqu’à moi et me serra dans ses bras. Ce fut là pour nous une