environs de la Fête-Dieu, les bonnes sœurs avaient rempli l’église de fleurs, on embaumait ; moi-même, depuis trois jours, j’avais travaillé avec les autres à orner de jasmin la petite table sur laquelle on prononce les vœux, l’autel était couvert d’hyacinthes, les marches du chœur étaient couvertes de tapis, nous avions toutes des gants blancs et un cierge dans la main ; j’étais bien heureuse, je me sentais faite pour cela ; pendant toute la messe, je remuais des pieds sur le tapis, car il n’y en avait pas chez mon père ; j’aurais voulu me coucher dessus avec ma belle robe, et demeurer toute seule dans l’église, au milieu des cierges allumés ; mon cœur battait d’une espérance nouvelle, j’attendais l’hostie avec anxiété, j’avais entendu dire que la première communion changeait, et je croyais que, le sacrement passé, tous mes désirs seraient calmés. Mais non ! rassise à ma place, je me retrouvai dans ma fournaise ; j’avais remarqué que l’on m’avait regardée, en allant vers le prêtre, et qu’on m’avait admirée ; je me rengorgeai, je me trouvai belle, m’enorgueillissant vaguement de toutes les délices cachées en moi et que j’ignorais moi-même.
À la sortie de la messe, nous défilâmes toutes en rang, dans le cimetière ; les parents et les curieux étaient des deux côtés, dans l’herbe, pour nous voir passer ; je marchais la première, j’étais la plus grande. Pendant le dîner, je ne mangeai pas, j’avais le cœur tout oppressé ; ma mère, qui avait pleuré pendant l’office, avait encore les yeux rouges ; quelques voisins vinrent pour me féliciter et m’embrassèrent avec effusion, leurs caresses me répugnaient. Le soir, aux vêpres, il y avait encore plus de monde que le matin. En face de nous, on avait disposé les garçons, ils nous regardaient avidement, moi surtout ; même lorsque j’avais les yeux baissés, je sentais encore leurs regards. On les avait frisés, ils étaient en toilette comme nous. Quand, après avoir chanté le premier couplet d’un