Heureux le mendiant de Naples, qui dort au grand soleil, couché sur le rivage, et qui, en fumant son cigare, voit aussi la fumée du Vésuve monter dans le ciel ! Je lui envie son lit de galets et les songes qu’il y peut faire ; la mer, toujours belle, lui apporte le parfum de ses flots et le murmure lointain qui vient de Caprée.
Quelquefois je me figure arriver en Sicile, dans un petit village de pêcheurs, où toutes les barques ont des voiles latines. C’est le matin ; là, entre des corbeilles et des filets étendus, une fille du peuple est assise, elle a ses pieds nus, à son corset est un cordon d’or, comme les femmes des colonies grecques ; ses cheveux noirs, séparés en deux tresses, lui tombent jusqu’aux talons, elle se lève, secoue son tablier ; elle marche, et sa taille est robuste et souple à la fois, comme celle de la nymphe antique. Si j’étais aimé d’une telle femme ! une pauvre enfant ignorante qui ne saurait seulement pas lire, mais dont la voix serait si douce, quand elle me dirait, avec son accent sicilien : « Je t’aime ! reste ici ! »
Le manuscrit s’arrête ici, mais j’en ai connu l’auteur, et si quelqu’un, ayant passé, pour arriver jusqu’à cette page, à travers toutes les métaphores, hyperboles et autres figures qui remplissent les précédentes, désire y trouver une fin, qu’il continue ; nous allons la lui donner.
Il faut que les sentiments aient peu de mots à leur service, sans cela le livre se fût achevé à la première personne. Sans doute que notre homme n’aura plus rien trouvé à dire ; il se trouve un point où l’on n’écrit plus et où l’on pense davantage, c’est à ce point qu’il s’arrêta, tant pis pour le lecteur !
J’admire le hasard, qui a voulu que le livre en demeurât là, au moment où il serait devenu meilleur ; l’auteur allait entrer dans le monde, il aurait eu mille choses à nous apprendre, mais il s’est, au contraire,