siffler dans la terreur ; il fit un énorme feu et se chauffa de façon à se rôtir les jambes.
Son voyage était fini. Rentré chez lui, il trouva ses vitres blanches couvertes de givre, dans la cheminée les charbons étaient éteints, ses vêtements étaient restés sur son lit comme il les avait laissés, l’encre avait séché dans l’encrier, les murailles étaient froides et suintaient.
Il se dit : « Pourquoi ne suis-je pas resté là-bas ? » et il pensa avec amertume à la joie de son départ.
L’été revint, il n’en fut pas plus joyeux. Quelquefois seulement il allait sur le pont des Arts, et il regardait remuer les arbres des Tuileries, et les rayons du soleil couchant qui empourprent le ciel passer, comme une pluie lumineuse, sous l’Arc de l’Étoile.
Enfin, au mois de décembre dernier, il mourut, mais lentement, petit à petit, par la seule force de la pensée, sans qu’aucun organe fût malade, comme on meurt de tristesse, ce qui paraîtra difficile aux gens qui ont beaucoup souffert, mais ce qu’il faut bien tolérer dans un roman, par amour du merveilleux.
Il recommanda qu’on l’ouvrît, de peur d’être enterré vif, mais il défendit bien qu’on l’embaumât.
Un court fragment de Novembre parut dans Par les champs et par les Grèves (Charpentier, éditeur, Paris, 1886). Novembre est à la jeunesse de Flaubert ce que les Mémoires d’un Fou sont à son adolescence. Ces pages, d’un caractère autobiographique, furent lues par Flaubert à Maxime Du Camp dans le plus grand secret. Ce dernier nous donne ainsi son impression : « Je n’eus aucun effort à faire pour témoigner mon enthousiasme ; j’étais sous le charme et subjugué. Enfin un grand écrivain nous est né, et j’en recevais la bonne nouvelle ».