quelque âme blasée et flétrie qui vient se rajeunir dans l’amour céleste, se vivifier dans les croyances, se sanctifier dans la prière. Celui-là qui prend Dieu comme un amour de jeunesse et la foi comme une passion, celui-là s’y livre tout entier, il s’agenouille avec délices, il prie avec ardeur, il croit par instinct ; la messe des morts n’est plus pour lui une grotesque psalmodie, le chant des prêtres cesse d’être vénal, l’église est quelque chose de saint, l’espérance est pour lui palpable et positive, il est heureux, car il croit. Que faut-il de plus pour le bonheur ? une croyance, il y a tant de gens qui n’en ont pas !
II
Tel était Manoello. Il était beau, riche, grand seigneur et religieux ; la chose est bizarre, mais c’est possible. Il était triste, mais sans avoir rien de sombre ni de fantasque ; sa mélancolie avait quelque chose d’évangélique et de doux, sans ce chagrin âpre et brutal qu’impriment chez les poètes le désespoir et le malheur. Il y avait de la noblesse dans ses paroles, de la fierté dans ses gestes et de la poésie dans son regard, car il était né poète sans le savoir ; enfant, il aimait à cueillir des roses, à écouter la mer qui se brise sur les rochers, et couché sur la plage, il s’endormait avec bonheur au bruit des vagues qui le berçaient mollement comme un chant de nourrice.
Plus tard il aima une belle enfant de 15 ans, mais cet amour passa bientôt comme celui de la mer, des coquilles et des roses.
Un jour, il avait 19 ans alors, il entra dans une église, il prêta l’oreille. C’étaient des sons graves et sonores qui s’élevaient dans la nef, sublimes et majestueux ; c’était l’orgue, et puis des cris purs et plaintifs, et, au loin, la voix gracieuse et frêle d’un enfant, qui