telle qu’il l’a faite, on la parle dans toutes les cours. Ne sont-ce pas nos pièces traduites qu’on joue à Londres, à Vienne, à Berlin, à Saint-Pétersbourg ? Et cette Italie, patrie du Dante et de Virgile, si pauvre et si triste, ne nous paraît-elle pas plus grande et plus majestueuse que l’Angleterre, même avec ses flottes, ses Indes, ses millions d’hommes et son orgueil ? Et puis, que reste-t-il maintenant de Carthage ? Et de Venise ? où sont donc ses navires, ses trésors, sa puissance, ses richesses enviées du monde ?
Ne me demandez pas ce qui reste d’Athènes et de Rome, leur souvenir occupe le monde.
Certes, les relations de commerce furent un grand bien pour les nations modernes, et c’est un merveilleux fait de la Providence de faire servir l’intérêt des hommes à leur union ; l’industrie donne aux nations une source inépuisable de richesses que les sociétés anciennes, dans leur noble orgueil, ignorèrent ; chez nous les relations de commerce nouent les relations politiques, mais avant tout cela, il y a les rapports d’idées. N’a-t-il pas fallu deux siècles de combats entre l’Europe et l’Asie, entre le christianisme et l’islamisme, avant que l’Orient et l’Occident échangeassent leurs produits ? Il a fallu tout le xvie et le xviie siècle, la guerre de Trente ans et mille batailles, pour que le Nord et le Sud, les protestants et les catholiques s’alliassent ensemble. Et puis Shakespeare et Byron passent chez nous, tandis qu’on arrête les épingles et les étoffes d’Angleterre ; il n’y a point de contrôle pour le génie, parce qu’il est libre et immortel.
Les poètes sont comme ces statues qu’on retrouve dans les ruines ; on les oublie parfois longtemps, mais on les retrouve intactes au milieu d’une poussière qui n’a plus de nom ; tout a péri, eux seuls durent.
Et cependant n’entendez-vous pas dire : Ceci, c’est un poète, esprit creux ! cela, ce sont des vers, niaiseries ! Eh bien, ce poète et ces vers sont plus immor-