Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/81

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chant. Pourquoi, quand tu lui contais tes maux, s’est-il mis à rire ? C’est un riche au cœur dur.

Yuk se découvre et laisse voir un magnifique costume ; une bourse garnie de diamants pend à sa ceinture.
le pauvre, en lui-même.

Ô mon Dieu ! Voilà des pensées que je n’avais jamais eues. En effet, si j’allais être riche à mon tour, heureux, avoir des laquais, des chevaux, des tables somptueuses, me faire servir comme un prince ?… Mais tuer un homme !

satan, en lui-même.

Bah ! un homme ! on ne le saura pas. Dépêche-toi, personne ne passe dans la rue maintenant.

Il lui glisse un poignard dans la main ; le pauvre, fasciné, se rue sur Yuk qui tombe par terre percé de coups.
satan.

Voilà la police !… Un homme d’assassiné ! prenez-moi ce gueux-là !

Le corps de l’ouvrier reste par terre, percé de coups, mais Yuk se relève.
yuk.

Vous croyiez vraiment que j’étais mort ? oh ! par Dieu, il n’y aurait plus de monde, ni de création, du jour où je cesserais de vivre. Moi, mourir ! ce serait drôle. Est-ce que je ne suis pas aussi éternel que l’éternité ? Moi, mourir ! mais je renais de la mort même, je renais avec la vie, car je vis même dans les tombeaux, dans la poussière ; cela est impossible.

Celui qui dira que je ne suis plus mentira comme l’évangile. Mourir ? mais il n’y aurait plus ni gouvernement, ni religion, ni vertu, ni morale, ni lois. Qui donc alors tiendrait la couronne, l’épée, revêtirait la robe ? qui donc serait médecin, poète, avocat, prêtre ? est-ce qu’il y aurait quelque chose à faire ? La vie de-