« Et je fis un pas, je l’embrassai sur ses yeux, qui étaient tièdes et doux.
« Elle me regardait tout étonnée.
« — M’aimeras-tu ? disait-elle, m’aimeras-tu bien ?
« Je la laissais parler sans lui répondre et je la tenais dans mes bras, à sentir son cœur battre.
« Elle se dégagea de moi.
« — Ce soir, je reviendrai… laisse-moi… laisse-moi… à ce soir… à ce soir…
« Elle s’enfuit.
« Au dîner, elle garda son pied sur le mien et me touchait quelquefois du coude, en détournant la tête d’un autre côté.
« Le soir, enfin, elle vint dans ma chambre comme elle me l’avait promis. Il était nuit. Je l’attendais déjà, elle avait quitté le salon plus tôt que d’ordinaire, il était à peine huit heures et demie : elle entra sur la pointe des pieds, doucement, sans bruit ; je la reconnus néanmoins au craquement de ses bottines. C’était elle, un doigt sur la bouche et dans l’attitude du silence, elle s’avançait timidement le long de la muraille, pour me surprendre ; de l’autre main elle tenait la clef de sa chambre, qu’elle avait prise, comme pour y aller.
« Elle était dans son costume de tous les jours, avec sa robe brune, son tablier de soie, nu-tête, sans gants.
« J’étais assis, elle me passa la main dans les cheveux, et toute ma chair frissonna sous ses doigts ; je lui pris la taille et je l’attirai vers moi. Ses yeux brillaient comme des flambeaux et me brûlaient à les voir, mon âme puisait sur ses lèvres toute la vie de la sienne, et nous nous délections, affamés, de cet intarissable bonheur.
« — Ah ! mon ange, mon ange ! disait-elle, amour… amour !
« Et quelque effort que je fisse pour être plus