Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/165

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Jules alla jusqu’au bout, jusqu’à la fin ; il passa par la sensualité étroite de Faublas, et il eut pitié de ce vice en jupon qui se cache dans les voitures et derrière les portes, déshonorant l’adultère par la vulgarité de sa bassesse ; il lui préféra cent fois les monstruosités de Justine, cette œuvre belle à force d’horreur, où le crime vous regarde en face et vous ricane au visage, écartant ses gencives aiguës et vous tendant les bras ; il descendit dans ces profondeurs ténébreuses de la nature humaine, prêta l’oreille à tous ces râles, assista à ces convulsions et n’eut pas peur. Et puis la poésie n’est-elle pas partout — si elle est quelque part. — Celui qui la porte en lui la verra sur le monde, pareille aux fleurs, qui poussent sur le marbre des tombeaux et sur les plus fraîches pelouses ; elle s’exhale vers vous du cœur de la vierge et du sommeil de l’enfant, comme de la planche des échafauds et de la lumière des incendies.

Arrivé à l’idéal de la matière, il prit la matière en haine, car cette exclusion de toute idée, cette négation de toute bonté l’irritait comme quelque chose d’essentiellement faux en soi, contrepartie isolée et monotone d’une autre chanson plus connue ; il était las de cette chair toujours heureuse et du mensonge perpétuel de son sourire, il avait compassion des gens qui s’arrêtent là, assez naïfs pour n’en pas rire.

Alors la virilité de sa nature s’épanouit comme une plante robuste, il eut besoin de périls inutiles et de dangers à courir, il aima les vieux casques des chevaliers, leurs longues épées lourdes qu’on soulève à deux mains ; il frissonnait en touchant aux cuirasses bosselées que portaient les larges poitrines, et sentait les appétits de batailles que le son des trombones fait courir dans nos membres ; le pas des régiments marchant sous ses fenêtres, le sabre des cavaliers battant sur les flancs de leurs chevaux, et les grandes lignes d’hommes s’avançant dans les plaines, il aimait tout