Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/171

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— Donne-moi tes foulards, j’ai encore de la place, gardes-en trois ou quatre pour nous mettre sur la tête, la nuit.

— Tu peux me donner, si tu veux, un châle, je le remettrai au fond de ma malle, sous mes livres.

Émilie lui donna un châle, Henry sortit le porter dans sa chambre, il rentra.

— Que faire de nos papiers ? lui demanda-t-il, car, après notre départ, on fouillera tout, on brisera tout.

— Les brûler serait le mieux, dit-elle.

— Soit, dit Henry, partons tout entiers, ne leur laissons rien après nous ; que notre passage ici soit effacé, comme puisse l’être notre souvenir dans leur cœur ! Mais toi aussi tu brûleras tout, n’est-ce pas ? tout ?

— Voilà la clef de mon secrétaire, ouvre-le, jette au feu les lettres que tu y trouveras, je n’en réclame aucune.

La cheminée était déjà pleine de chiffons, de linge et de bribes d’étoffe ou de papier, que Mme Renaud y avait jetés au fur et à mesure, en atteignant ce dont elle avait besoin ; elle prit des mains d’Henry les deux ou trois liasses de lettres qu’il lui présentait et les lança dans le foyer, ce qui ranima le feu prêt à s’éteindre et fit brûler vite toutes les balayures qui encombraient les chenets.

— C’est fini, dit-elle, à toi maintenant.

Henry revint bientôt, portant dans ses bras la dépouille de tous ses tiroirs, qu’il déposa sur le coin de la cheminée avant d’en faire l’holocauste. Il y avait ses notes d’histoire, ses cahiers de droit, les lettres de sa famille, les lettres de Jules, des invitations de bal, des billets de faire part.

Henry s’assit sur une chaise, posa ses pieds sur le garde-cendre, et, prenant dans la main gauche une masse de papiers écrits, il se mit à les feuilleter et à