XXII
— As-tu nos passeports, Henry ?
— Tiens, les voilà.
— Tu n’as pas oublié de changer ton argent contre du papier anglais ?
— Non, non, tout est prêt, une malle et un sac de nuit doivent nous arriver avant une heure ; ne sachant pas si tu avais un carton à chapeau, je t’en ai acheté un.
— Que tu es bon, pauvre ami !
Et elle passa ses deux bras derrière son cou et l’embrassa naïvement, puis s’écartant de lui et le considérant avec amour :
— Tu penses à tout, tu prévois tout, tu es fort et doux, il me semble que j’ai en toi un père et une mère. Ou donc as-tu appris tout ce que tu sais ? Est-ce que tu t’es jamais trouvé dans des circonstances pareilles ? moi, qui suis plus vieille que toi, si j’eusse été à ta place, je n’aurais jamais réussi.
— C’est que l’amour vieillit, dit Henry souriant d’une façon moitié enjouée, moitié amère.
— Il rajeunit au contraire, reprit Émilie, tout en continuant à ranger divers vêtements de femme sur son lit et à les plier les uns sur les autres.
Il y eut un long silence, ils avaient du mal à parler.
— Et toi, fit-elle tout à coup, qu’emportes-tu ? comment t’habilles-tu pour le voyage ?
— Avec ce que j’ai sur moi maintenant.
— Mais un manteau ?
— Je n’en ai pas.
— Il t’en faudrait un cependant.
— Nous ne sommes pas riches, tu le sais bien, la traversée sera chère. Emporte ta vieille pelisse noire, si j’ai froid je m’en servirai.