Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/203

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M. Gosselin. — Je ne l’ai jamais vue, moi, cette dame-là, comment est-elle ?

Morel, écarquillant les yeux et souriant. — Mais elle vaut bien…

Mme Gosselin. — Une horreur, mon ami, une horreur !

M. Gosselin. — Grande ? petite ? brune ? blonde ?

Morel. — Grande.

Mme Gosselin, l’interrompant chaque fois qu’il veut parler. — Une grande débauchée !

Morel, continuant. — Brune.

Mme Gosselin, l’interrompant. — Noire comme une taupe.

Morel, continuant. — D’une assez belle prestance, forte femme.

Mme Gosselin, colère. — Oui, une vache ! toujours sans corset !

Morel. — De beaux yeux noirs.

Mme Gosselin. — Un air impudique ! une coquette, mon ami !

Le fiacre s’arrête, le marchepied se déploie. On demande M. Renaud, il est occupé, il va descendre tout à l’heure. On introduit nos personnages dans une petite pièce au rez-de-chaussée, donnant sur le jardin, espèce de parloir et d’antichambre entre la cuisine et la salle à manger.

Enfin M. Renaud descend, il est en robe de chambre, dans sa robe de chambre que nous lui connaissons ; ses chaussons de Strasbourg remontent par-dessus son pantalon noir, ses lunettes sont relevées sur son front, il les ôte vivement en même temps qu’il porte la main à son bonnet grec, en s’excusant de s’être fait attendre. Après avoir donné une poignée de main à Morel, il s’informe gracieusement du service que l’on réclame de lui.

M. Gosselin, levé sur la pointe des pieds, d’un air digne et retenant sa colère. — Monsieur !