Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/81

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le coëffeur donc était venu dès cinq heures, pour coiffer Mme Renaud ; après quoi il était monté chez Alvarès et Mendès, pour l’embellissement desquels son fer et sa pommade avaient rivalisé l’un et l’autre pendant deux grandes demi-heures ; de là il était passé chez Henry, qui n’avait voulu qu’un pli, une tournure ; le père Renaud avait profité de l’occasion pour qu’on lui coupât les cheveux, Shahutsnischbach lui-même, sentant le besoin d’orner sa tête, s’était fait friser en champignon comme un trouvère ou un garçon de café.

Quelle révolution ! quel bruit à la cuisine, à l’office, dans le salon, dans les chambres, partout ! On avait nettoyé la maison du haut en bas, battu tous les meubles, secoué tous les tapis ; on avait loué des lampes chez le lampiste et des domestiques chez le rôtisseur ; le piano était changé de place, les fauteuils n’avaient plus leur couverture, il y avait des fleurs dans l’escalier et des lampions à la porte. Chaque fois qu’un visiteur s’y arrêtait et qu’on entendait se déployer le marchepied, Mendès et Alvarès se précipitaient pour voir les nouveaux arrivants et être là quand ils entreraient.

Mme Dubois arriva des premières, Mendès faillit se pâmer quand il la vit ôter sa pelisse, sous le vestibule, et découvrir ses grasses épaules, qui brillaient comme de l’albâtre à côté de sa robe de velours grenat ; le haut en était si serré que la chair rebondissait par-dessus les bords et semblait coupée par l’étoffe ; la chère dame portait un large collier de perles et à la main un éventail, qui dut lui servir fort à éventer sa face rubiconde.

Mais le cœur d’Alvarès ne lui bondit pas moins sous les côtes, quand Mlle Aglaé, encore plus légère et plus éthérée que de coutume, avec de la guipure dans les cheveux et de longs gants blancs, garnis de peau de cygne, qui lui montaient jusqu’au coude, passant