Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/82

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devant lui et rasant le sol, le salua gracieusement en faisant remuer ses papillotes et ses boucles d’oreilles. Son frère la suivait par derrière et portait son châle et son boa.

Vers neuf heures enfin, arriva le reste des conviés en habits de fête et avec une mine de cérémonie ; les cavaliers prirent la main de leurs dames et le bal s’ouvrit. On dansait en marchant en avant, en arrière, les souliers vernis glissaient sur le parquet cire, les messieurs souriaient et les dames avaient des tenues modestes.

L’enfant de Mme Lenoir, toujours habillé en artilleur, avec un shako, un sabre et des éperons, s’endormit sur une banquette ; Mlle Clara dansa toute la nuit, à côté de son papa ; Mlle Hortense, sa grande cousine, une couronne de roses sur la tête et une écharpe bleue sur le cou, se regardait dans une glace, en minaudant devant le frère de Mlle Aglaé, qui excellait à faire le cavalier seul ; Shahutsnischbach, resté dans l’antichambre, aidait les domestiques à passer les plateaux de la salle à manger dans le salon ; debout sur ses talons, Ternande avait le visage de trois quarts, de manière à être vu de Mme Lenoir, qui regardait alors Alvarès, lequel contemplait Mlle Aglaé, qui avait un air le plus incompris du monde ; Mme Dubois donnait de la langueur à ses petits yeux et déployait des grâces potelées, inaperçues en partie de Mendès à cause d’un jeune homme, placé juste devant lui, qui jouait mélancoliquement avec son lorgnon et regardait au plafond d’un air rêveur, pour faire admirer sa tête.

Mme Renaud ne dansait pas, elle était un peu fatiguée et, d’ailleurs, se ménageait pour la valse. Quand elle n’était pas sortie pour aller donner quelque ordre, elle restait assise dans son fauteuil, au milieu du petit cercle des intimes, où chacun venait tour à tour lui présenter ses hommages ou faire un bout de cau-