Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/95

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— J’en suis sûr, elle s’est aperçue que je l’aimais.

— Que je suis bête d’hésiter encore ! n’ai-je pas senti qu’elle pesait sur mon bras en valsant ?

— Crois-tu que je réussisse, Mendès ?

— Parbleu ! Et moi, penses-tu que j’aie quelque chance ?

— Sans doute ! Mais si je lui écrivais, qu’en dis-tu ?

— J’y pense, c’est ce que je ferai.

— As-tu remarqué comme elle m’a dit merci, quand je lui ai tenu l’étrier pour monter à cheval ?

— As-tu bien vu comme elle m’a regardé quand je l’ai saluée ?

— Elle reviendra bientôt chez Mme Renaud.

— C’est ça, je descendrai dans le salon, nous nouerons encore conversation, je lui glisserai mon billet.

— Ma foi, non ! je lui prendrai la taille tout de suite.

— Oui, c’est décidé, je lui dirai dans l’oreille : je t’adore !

— Tant pis si elle se fâche.

— Je m’en moque.

— Je brusque tout.

— Le sort en est jeté !

— Il est tout jeté, c’est sûr, elle m’a compris.

— À la première occasion…

— Pourtant si… Tu penses bien qu’à ma place, n’est-ce pas, il ne faut pas broncher.

— Tiens ! et moi ?

— Mais toi aussi… bah ! pourquoi pas ?

— Vivat !

— Vivat !

Ils se roulaient sur les coussins de la voiture, donnant de grands coups de poing dans les carreaux, au risque de les casser.

Agacé de leurs voix et de leur bruit, Henry s’était fait