Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/335

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éclairs qui t’éblouissent, ni des vagues qui t’assourdissent, ni de la rame, ni de la voile, ni de la nuit, ni de l’orage.

Le Seigneur n’est-il pas là ?

l’espérance.

Petit oiseau, je vole dans l’azur et je monte, quelque chose qui est en moi me pousse là-haut sans fatigue ; si le voyage est long, le ciel est bleu et la course rapide ; j’arriverai, j’y touche, j’y suis.

À la porte de mon nid je tourne pour entrer, le bon Dieu étendant la main me prendra pour m’y mettre, et je me reposerai dans l’éternelle délectation de mon attente assouvie.

la charité.

Je vais dans la neige chercher les petits enfants qui pleurent abandonnés au coin des bois, j’attendris les cœurs, je fais tomber l’or des mains, les larmes des yeux ; je réchauffe sur ma poitrine les misères de la vie ; c’est par moi que l’on aime, que l’on éclate en sanglots et que se dégorge la tendresse dans les longues oraisons ; avec mes doigts légers j’étanche le sang des plaies, d’eau bénite j’asperge les morts ; consolation pour les affligés, initiation pour les profanes, amour pour les croyants, humble d’esprit et vaste de cœur, sans espoir que l’on me rende, ni que la pénitence me serve, ni que Dieu me récompense, je donne pour donner, je souffre pour souffrir, je prie pour prier, car je n’aime que pour aimer.

antoine
se rapprochant des vertus.

Plus près, plus près encore ! Ô foi du Seigneur, ton regard est vaste comme le ciel, pur comme lui et plein d’immensité radieuse ! Que tu es douce, Charité ! que tu es belle, Espérance ! oh ! pour t’élancer vers le Très-Haut, pose tes pieds sur mon cœur, et comme de la poussière emporte-le à tes talons !

la charité.

Je serai plus douce encore, plus débordante, plus tendre, et tu prieras dans la douceur.

la foi.

Ne vivant plus de la vie, mais vivant du Verbe, le Verbe pénètre l’âme et la remplit de lui-même.