restes de nourriture qui flottaient sur cette surface grasse ; plus j’en mangeais, plus j’en voulais manger, et je m’avançais toujours, faisant avec mon corps un long sillon dans la bouillie claire, j’y nageais éperdu ; je me disais : dépêchons-nous ! La pourriture de tout un monde s’étalait autour de moi pour satisfaire mon appétit, j’entrevoyais dans la fumée des caillots de sang, des intestins bleus et les excréments de toutes les bêtes, et le vomissement des orgies, et, pareil à des flaques d’huile, le pus verdâtre qui coule des plaies ; cela s’épaississait vers moi, si bien que je marchais presque enfonçant des quatre pattes dans cette vase collante, et sur mon dos continuellement ruisselait une pluie chaude, sucrée, fétide. Mais j’avalais toujours, car c’était bon. Bouillant de plus en plus et me pressant les côtes, cela me brûlait, m’étouffait ; je voulais fuir, je ne pouvais remuer ; je fermais la bouche, il fallait la rouvrir, et alors d’autres choses d’elles-mêmes s’y poussaient. Tout me gargouillait dans le corps, tout me clapotait aux oreilles, je râlais, je hurlais, je mangeais, et je ravalais tout. Pouah ! pouah !… j’ai envie de me briser la tête pour me débarrasser de ma pensée.
Aïe ! n’importe ! pas de lâcheté ! Oh ! que les pointes sont piquantes ! tant mieux !… courage !… Oh ! là !… Tiens, pécheur, tiens, souffre donc, pleure donc, crie donc, corps débile ! mes dents sont toutes serrées et voilà que les convulsions me saisissent encore… encore… Ah ! mon dieu ! Eh bien ! Je compterai jusqu’à cent, jusqu’à mille.
Non, tu ne me vaincras pas, faiblesse de la chair !… Saigne ! saigne !
Mais… je ne sens plus rien !… les piquants peut-être s’accrochent à ma tunique, retirons-la.
Bien ! sur la poitrine, dans les dos, sur le bras, sur la figure, partout ! J’ai besoin de battre, ça m’assouvit de me faire souffrir… plus fort donc !… Est-ce que j’ai peur ? Oh ! oh !… mais, mais, mais… ça change, j’ai envie de rire… hah ! hah ! hah !