Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/63

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Antoine se retourne ; et près de lui, de l’autre côté, sur le banc, une seconde femme est assise, — blonde celle-là, et encore plus pâle, avec des bouffissures sous les paupières comme si elle avait longtemps pleuré. Sans qu’il l’interroge, elle dit :
maximilla.

Nous revenions de Tarse par les montagnes, lorsqu’à un détour du chemin, nous vîmes un homme sous un figuier.

Il cria de loin : « Arrêtez-vous ! » et il se précipita en nous injuriant. Les esclaves accoururent. Il éclata de rire. Les chevaux se cabrèrent. Les molosses hurlaient tous.

Il était debout. La sueur coulait sur son visage. Le vent faisait claquer son manteau.

En nous appelant par nos noms, il nous reprochait la vanité de nos œuvres, l’infamie de nos corps ; — et il levait le poing du côté des dromadaires, à cause des clochettes d’argent qu’ils portent sous la mâchoire.

Sa fureur me versait l’épouvante dans les entrailles ; c’était pourtant comme une volupté qui me berçait, m’enivrait.

D’abord, les esclaves s’approchèrent. « Maître, dirent-ils, nos bêtes sont fatiguées » ; puis ce furent les femmes : « Nous avons peur », et les esclaves s’en allèrent. Puis, les enfants se mirent à pleurer : « Nous avons faim ! » Et comme on n’avait pas répondu aux femmes, elles disparurent.

Lui, il parlait. Je sentis quelqu’un près de moi. C’était l’époux ; j’écoutais l’autre. Il se traîna parmi les pierres en s’écriant « Tu m’abandonnes ? »