Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/667

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
667
NOTES

chée à ma muraille, voilà tout ; j’aime beaucoup cette œuvre. Il y avait longtemps que je la désirais. Le grotesque triste a pour moi un charme inouï ; il correspond aux besoins intimes de ma nature bouffonnement amère. Il ne me fait pas rire, mais rêver longuement. Je le saisis partout où il se trouve, et comme je le porte en moi, ainsi que tout le monde, voilà pourquoi j’aime à analyser ; c’est une étude qui m’amuse. » (Voir Correspondance, I, p. 217.)

En 1847, en compagnie de Maxime Du Camp, il parcourt l’Anjou, la Bretagne et la Normandie, d’où il rapportera Par les champs et par les grèves, et ce n’est qu’en mai 1848 qu’il commence à écrire la Tentation de saint Antoine.

Le tableau de Breughel est-il vraiment l’origine de la Tentation de saint Antoine, ou n’a-t-il pas été pour Flaubert la révélation du plan plus largement conçu d’un dialogue philosophique, d’un pessimisme outré, qu’il avait écrit en 1839 sous le titre de Smahr (voir Œuvres de jeunesse inédites, I), et qu’il pensait un jour reprendre sous une forme que le tableau de Breughel détermina ? Toutefois il est permis de croire qu’en écrivant la Tentation, Flaubert n’a pas oublié Smahr, car en comparant le dialogue entre Smahr et Satan et le Diable et saint Antoine, on trouve le développement de la même pensée, des images pareilles et un membre de phrase identique.

VERSION DE 1849.

Flaubert, tout en vivant dans l’intimité de Maxime Du Camp, partageait davantage les goûts de Le Poittevin, dont il prit les idées pessimistes. Celui-ci mourut soudainement en 1848, et ce fut sur Bouilhet, qu’il connaissait depuis 1846, que Flaubert reporta sa grande affection. Il confiait de temps en temps à ses deux amis sa joie d’écrire la Tentation de saint Antoine, dont il avait arrêté le plan très vaste, mais jamais il ne leur en lut une ligne, pas plus que, au cours de leurs causeries, il ne s’expliqua sur la conception de son sujet. Quand, au début de 1849, Flaubert accepta d’accompagner Maxime Du Camp dans un voyage en Égypte, il y mit cette condition, qui fut acceptée, que le départ n’aurait lieu qu’après la dernière page écrite de la Tentation de saint Antoine. C’est ainsi qu’au mois de septembre de la même année, Flaubert convia à Croisset ses deux amis, Du Camp et Bouilhet, pour entendre la lecture de l’œuvre attendue. Maxime