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NOTES

Étrétat, le 3 mai 1874.
 

Avant d’écrire, j’ai voulu faire intime connaissance avec des personnages qui occupaient ma pensée depuis longtemps déjà : j’ai lu, j’ai relu, puis j’ai encore relu ; j’ai suivi le vieux saint dans ces régions de rêve, où l’éblouissement succède à l’épouvante, où le charme de la couleur le dispute à la profondeur de la pensée. Te dire combien ces voyages prodigieux m’ont attachée, captivée, je ne le pourrais pas ; mais je te serre les deux mains bien fort, en reconnaissance des heures enchantées que tu m’as fait passer.

Puis, j’ai pu regagner la terre, et trouver encore un vrai plaisir à suivre l’analyse, hélas ! bien réelle, de scènes que nous avons tous contemplées, plus ou moins, depuis quelques années. Comme ils sont vivants, comme ils sont de chair et d’os, tes personnages du Candidat ! Qu’il y ait des gens qui n’aiment pas à voir cela, je le conçois sans peine ; leurs photographies leur paraissent trop ressemblantes.

Pendant ces quelques jours que Guy a passés à Étretat, nous avons bien parlé de toi, mon vieux Gustave, et je sais combien tu te montres toujours excellent pour mon fils ; aussi comme on t’aime, comme on croit en toi, comme le disciple appartient au maître !

J’espère bien que tu nous donneras quelques jours cet été, et que tu viendras voir notre chère petite vallée. Il faudra t’entendre avec Guy et profiter d’un des congés du pauvre garçon ; il ne saurait se consoler de n’être point ici pour te faire les honneurs de nos rochers, et son chagrin me gâterait la joie que je me promets de ta bonne visite. Adieu, mon vieux, mon cher camarade, je t’embrasse bien cordialement. Hervé te prie de ne pas oublier tout à fait l’écolier qui est en train de devenir un homme. En attendant, c’est toujours un bon et gentil garçon et j’espère que tu l’aimeras aussi.

Encore une bonne poignée de main de ton amie d’enfance.

Laure Le P. de Maupassant.