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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/126

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femmes allant et venant, toujours debout, par crainte des somnolences invisibles, leurs sabots clapotant dans les milliers d’écailles d’argent, dans l’eau ruisselant partout, d’un tapage plus vif et moins fort que les sabots des hommes.

Dans Camaret, le jour éteint, les maisons retombaient dans l’ombre confuse, les ténèbres se faisaient épaisses, d’une opacité de poix, lorsque la lune ne donnait pas ; seules, aux deux extrémités du pays, les fenêtres et les portes ouvertes des usines flambaient d’une clarté rousse, et, sous les quinquets fumeux accrochés de distance en distance, un remuement incessant de mains et de langues, toutes les friturières criant, chantant à tue-tête, pour ne pas se laisser gagner par le sommeil.

C’était comme une vision de son enfance remontant tout à coup devant ses yeux. Que de fois, gamin, il lui était arrivé de s’arrêter devant l’ouverture illuminée d’une friture, comme on appelle les usines pour confire les sardines, et, là, de regarder, d’écouter, bouche béante, retenant avec sa facilité de Camaretois, avec l’oreille musicale de tous les bambins de l’endroit, les airs et les paroles de ces chansons, dont le bourdonnement grondait, accompagnant le travail des mains.

Il avait bien remarqué qu’il y en avait une, presque toujours la même, qui donnait en quelque sorte le branle, entraînant ses compagnes : ainsi, c’était là le rôle de sa sœur.