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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/148

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depuis son départ ? Au moins, il eût conservé l’illusion, la pensée que les siens vivaient heureux, sans doute consolés de sa disparition après tant d’années écoulées, n’ayant conservé de lui que le souvenir doux et charmant du pauvre petit gars naïf et honnête, comme il conservait d’eux un souvenir respectueux et attendri.

Son retour avait tout bouleversé, tout détruit dans son cœur, et une amertume énorme emplissait maintenant ses jours et ses nuits ; plus de repos possible pour lui dans cette vie pesante, où nul autre que lui ne semblait sentir d’une manière aussi aiguë toutes ces choses qui le ravageaient et torturaient son amour subit pour Mariannik.

Bien que jamais sa cousine ne lui eût parlé de ses projets d’avenir, bien que le nom de Corentin ne sortît jamais de ses lèvres, il sentait bien qu’elle devait le garder au fond de son cœur, et, plus d’une fois, il avait été sur le point de l’interroger, elle aussi, ainsi qu’il avait fait avec Garrec. Mais, toujours, au moment décisif, il avait hésité, préférant encore cette incertitude, cette ignorance, à l’assurance irrévocable qu’il n’était pas aimé, qu’il ne devait plus espérer.

Était-ce l’influence du temps, ce jour-là d’un gris morne, ayant la tristesse désolée, qui est le caractère spécial de l’extrême Bretagne ? Était-ce le résultat de plus rudes luttes intérieures ? Le Revenant souffrait d’une façon plus âpre, plus into-