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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/147

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soit du côté de Sein, soit dans le nord, vers Molènes, Ouessant, pour pêcher la raie, le turbot, les bêtes d’eau profonde.

Il courait alors la campagne, se perdait à travers la presqu’île de Crozon, usant les heures dans des marches pesantes sur les champs, les landes, allant errer le long des côtes en choisissant les endroits les plus sauvages, les plus désolés : il y avait en lui, à ces moments-là, comme une nostalgie amère de ses années d’aventures.

Accroupi sur un bout de roc, à cent mètres au-dessus de la mer grondant sous ses pieds, dans ces parties de la côte qui s’étendent entre la pointe de Pen-Tir et la plage de Pen-hat, il restait là, rêvasseur, les yeux loin devant lui, fouillant vaguement l’horizon, sans un regard pour ces centaines de voiles des petites barques semées sur la mer, ne voyant, ne suivant avidement que la fumée des paquebots, des grands bâtiments, qui, de temps à autre, passaient très loin, sans se rapprocher de ces rivages dangereux, et s’enfonçaient, disparaissant vers des contrées lointaines.

Pourquoi était-il revenu ? Pourquoi n’avoir pas continué de vivre là-bas, dans l’oubli du passé, dans l’oubli des siens ? Qu’était-il venu faire dans cette patrie qui ne lui apportait que des douleurs, des deuils, des colères ?

N’eût-il pas mieux fait de rester toujours dans l’ignorance de ce qui avait pu se passer à Camaret