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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/161

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veaux, ses yeux d’enfant ; cette espèce d’indécision, de gaze trouble jetée sur les choses par l’approche de la nuit, lui rendait la sensation éprouvée là-bas, loin du pays, lorsqu’il cherchait parfois à reconstituer les paysages et les côtes de Bretagne.

La mélancolie d’automne, qui pesait sur le pays, avait quelque chose de morne, le gagnant insensiblement, apaisant l’effervescence de son sang troublé par les mauvais sentiments, les appétits malsains.

Ce qu’il contemplait maintenant, c’était ce qui s’étendait devant lui, des champs dont la couleur, verte par places, jaunie en d’autres, se noyait dans les colorations bleues du crépuscule naissant, ces toits de maisons sortant d’un bouquet d’arbres au fond d’un vallon, Saint-Julien, Lannurien ; au long de la route, Pen-Tir, Lagatjar ; sur les collines, Cosquer ; tout au fond, Crozon, son église et son fort.

Des taches noires, vertes, grises, des étendues désertes, s’étalaient ; des moulins à vent tendaient leurs bras minces ; de tout s’élevait un charme doux, venant le saisir, l’émouvoir.

Il fit plusieurs enjambées rapides pour secouer cet attendrissement qui lui paraissait une faiblesse, et haussa avec affectation les épaules, en marmottant, ricaneur :

— Qu’est-ce qui me prend ?