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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/189

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se couvrant d’écume, tandis qu’au-dessus du Goulet les nuages s’épaississaient encore, et, brusquement, l’averse s’abattit, masquant la côte de Léon, fouettant de ses fines baguettes rigides les flocons blancs des vagues, et paraissant vouloir chasser la barque qui fait, courant des bordées, se rapprochant peu à peu, en coupant de biais dans la direction du Phare.

— Le voilà dans la brume !

— Un coup de crachin pour Brest, pas pour ici !

Dans le port une agitation secouait les barques, faisant clapoter l’eau en mille vaguelettes jusqu’au bord du quai ; tout cela dansait, miroitait, s’entrechoquait avec un tapage harmonieux et sauvage, donnant à ce coin d’Océan, enfermé comme un lac énorme entre les rocs noirs, les falaises brunes et les landes vertes, une poésie farouche très grande et très saisissante.

La Marie-Anne entre dans le port, avec une vitesse extraordinaire, fuyant devant la bourrasque et coupant de son avant l’eau qui rejaillit en gerbes ; adroitement elle glisse entre les barques, à l’ancre, sans en heurter une seule, et vient, obéissant à la barre, toutes voiles tombées, ranger la cale qui avoisine l’hôtel de la Marine, au centre du Notic.

Quatre jours qu’elle est dehors, et qu’on se demande ce qu’elle a pu faire durant tout ce temps-là : jamais les barques de Camaret ne s’attardent autant en mer, même pour la pêche de la raie. Une