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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/21

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délicat et affiné des yeux clairs d’un bleu transparent de myosotis. De taille mignonne et ronde, elle avait une santé inaltérable, ne redoutant ni le froid, ni le chaud, ni le soleil, ni la pluie.

Si ce n’avait été par moments la fixité gênante de ses regards, à l’entendre rire, chanter, même causer sur certains sujets, nul n’aurait pu croire qu’elle était dépourvue de raison.

Ce n’était qu’à la mort successive de son père et de sa mère qu’elle était devenue complètement folle, sans espoir de jamais guérir ; mais cela avait commencé plus tôt, alors qu’elle était encore toute petite, lorsque la nouvelle du naufrage de la Proserpine était venue planer sur Camaret, comme un oiseau funèbre.

Elle adorait ce frère qui ne la quittait jamais, l’emmenant gaminer des journées entières, la protégeant contre les autres enfants, se battant pour elle, la gâtant de mille façons ; aussi, déjà au moment de son départ, bien qu’elle eût à peine six ans lorsqu’il s’embarqua pour ce long voyage, dont il ne devait jamais revenir, ce fut un désespoir terrible, plus durable dans sa petite âme tendre que dans celle des autres enfants, et il fallut des promesses de prompt retour, de beaux cadeaux qu’il rapporterait, pour adoucir un peu ce premier gros chagrin.

Elle était assise à table entre ses parents, quand la catastrophe fut annoncée par des voisins, avec